Steph Cop redonne vie à des morceaux d’histoire naturelle. Quand l’âme du bois construit l’âme du créateur, Soul Making..
Parce qu’il faut toujours commencer par là, pouvez-vous vous présenter rapidement ?
En 2000, j’ai crée A.R.O. (Analyse, Reflex, Obsessionnel) que j’ai matérialisé par la figurine éponyme. Aro fait parti des 5 Imaginary Friends née en 2002, aujourd’hui je vous le présente en Wooden, il renaît.
Le graffiti est une forme d’expression graphique agressive, le stylisme une forme élaborée, les toys une forme épurée et la tronçonneuse est la forme épurée à l’extrême.
La forme brute du Wooden Aro prend alors tout son sens.
Je crois toujours y avoir pensé, se rapprocher de la nature. Alors vivre loin de tout, un peu reclus, un peu un rêve. Je me suis imposé une hygiène et un style de vie qui me permettent de me retrouver. Je me suis ressourcé dans les forêts, un vrai bonheur.
Biodiversité consciente a pris tout son sens, le sacré de la nature, question de vie, et d’envie, un choix de vie au milieu du bois, des bois, des lichens, des mousses, et de l’eau. Retrouver sa raison et son âme.
Deux démarches distinctes, et complémentaires.
On impose une forme au plastique, par un travail préalable d’un sculpte puis d’un moule. Les bois se sont imposés à moi, la démarche d’un sculpteur sur une matière vivante. Et même en faisant 30 Aro en bois, je n’ai pas fait le même travail deux fois.
Je voulais retrouver cette sensation de vie qui existe chez les IF, un toy fait main avec une matière organique, un petit coté artisan dans cette démarche, et ce coté brut, une démarche qui me permet de prendre un plaisir de sculpteur et d’y mettre toute mon énergie. Es tu un homme de la forêt ou du bitume ?
Entre Woodcutter et designer no contradiction, je coupe et je sculpte comme je fais un mur, les murs choisis et repérés. Je bûcheronne pareil, équipé de machines, le Nixon sur les oreilles, je sculpte au rythme d’EPMD ; Pour être seul dans ma démarche, dans mes retranchements, rien de tel que la foret. La forêt c’est les odeurs et la solitude au milieu de rien, le rien de la nature qui nourrit ton âme.
Le choix du bois est crucial, il faut des bois âgés pour travailler le coeur; afin d’adapter chaque morceau à chaque volume du Aro, les débiter à la mesure, les transporter, les sécher, comprendre les fibres et choisir la coupe. Il est important d’avoir la vision au préalable de la sculpture qui habitera le mieux ce bloc.
Le volume de la tête impose une section importante, le bois doit être âgé et coupé de longue date, avoir séché naturellement afin de ne pas se fendre sous la chaîne de la machine. Notamment pour un bois comme le chêne. Ces morceaux viennent de charpentes anciennes. En 1761, un ouragan tragique est survenu dans un microcosme de ma région, a mis à terre des centaines d’arbres centenaires. Ces arbres ont alors été séchés et utilisés par les paysans pour construire fermes et bergeries. Ce sont ces bois que je récupère pour sculpter le Wooden Aro.
En fait une somme de contrainte pour une matière pleine de force.
C’est ainsi que le Wooden Aro a une belle âme.
Avez-vous ressenti des choses particulières en travaillant cette nouvelle matière ?
Je vais me laisser guider.
«Woodcutter», Un apprentissage seul et à l’instinct, au milieu des forêts.Un travail de força au paradis.
Quel a été votre rapport avec les nouveaux outils (tronçonneuse etc) ?
La machine que j’utilise pèse environ 7 kg, avec un empattement de chaîne de 40 cm, cette chaîne doit être affûtée, la machine entretenue, pas très écolo certes. Je trouve que la tronçonneuse à un coté urbain, elle consomme de l’huile et du carburant, fais un bruit sans commune mesure. C’est une machine de brute et paradoxalement elle permet un travail de précision insoupçonné en fonction des angles de coupe, de la pression qu’on impose, elle permet des coupes franches, et du rabotage avec le plat de lame.
Il faut avoir une représentation spatiale parfaite de la pièce à tailler, car la machine lourde et puissante ne permet aucune faute, une fois que la lame a mordu dans le bois, il faut contrôler la pression et la force que l’on va mettre dans ses gestes.
J’ai fait mes armes dans la forêt, couper et re-couper pour entretenir des bois. L’outil est la grande surprise de cette aventure, la tronçonneuse fait partie intégrante de cette expérience, un outil mécanique d’une violence extrême. Apprendre à démarrer ton outil, apprendre à dompter ce truc surpuissant, bruyant et sale, un truc bien froid qui rentre en conflit évident avec le bois.
De cette bataille (ou guerre), on ne sait jamais qui en sortira vainqueur.
J’ai adoré cette confrontation, c’est « Mechanic versus Organic », un thème que j’ai déjà abordé très souvent dans mes collections textiles.
Cet apprentissage a pris quelques mois, et c’est en coupant du bois que l’on devient «Woodcutter», Un apprentissage seul et à l’instinct, au milieu des forêts. A force de manipulation, tu fais tes gammes, tu traces, tu coupes, tu affûtes, tu gères le ralenti, tu rabotes, tu fais tes arrondis, tu évites de te blesser. Je me suis fait peur plus d’une fois. Et c’est magique dès que tu contrôles un peu, tu perds la tête rapidement. Un travail de força au paradis, le silence du bruit de la machine au milieu des arbres centenaires.
Même démarche : la technique est primordiale. Tu traces, tu coupes, tu affûtes, tu contrôles un outil bizarre et hors normes. Tu fais tes gammes afin de contrôler et d’être libre de tes traits et tes coupes. Choisir entre dominer ou être dominé. L’unique ressource : ta tête et tes mains.
Aro, est une création, pas une destruction.
Le bio se démocratise, il se mondialise.
Le sujet est vaste et sans fin, il faut le vivre.
Avez-vous ressenti un besoin de rapprochement avec la nature ? Vous pensez que ça vient avec la sagesse ?
Aujourd’hui la nature fait parti de mon quotidien Elle s’impose, quand tu t’es perdu, et que t’as brûlé ton âme, comment se retrouver, je me suis tourné vers La beauté de la nature .. Tant de fois, j’ai été surpris par la richesse, l’intensité, la présence de celle ci, j’ai couru des bornes et des bornes, fais des rencontres animals, des rencontres végétales, des putains d’arbres qui t’écrasent de leurs forces, et la sagesse viendra en suivant peut être, je ne l’ai pas encore trouvé , je suis sur mon chemin, et j’ai fait un putain détour de fou.
Dans votre travail ces dernières années on a vu que la conscience environnementale était devenue de plus en plus présente, vous pensez avoir cédé à une mode écolo ou cela est-il une réelle prise de conscience ?
Et si prise de conscience il y a, comment la matérialisez-vous dans la vie de tous les jours ?
Biodiversité consciente est une évidence, la schizophrénie du consommateur que nous sommes, pris dans l’étau entre la magie des nouvelles technologies et la réalité des mondes. La prise en compte du respect de l’environnement est une demande sociétale de plus en plus importante. C’est une démarche de fond, et de conscience,et depuis le lancement de Graphik et des IF en 2000, j’ai toujours intégré du bio dans mes collections, pour une marque textile ou tout autre produit, c’est une évidence : «être bio et caritatif», aujourd’hui faire un produit
doit être politique.
Mais là où je suis il n’y a pas de «mode écolo», il n’y a pas de mode du tout, rien que des arbres, trop de rien pour attirer du futile.
Des arbres et des lacs, l’écologie est là, la biodiversité partout, faire autrement serait se mettre en danger.
Cela a-t-il changé votre façon d’envisager les productions en tant que designer ?
L’éloge de la lenteur, de l’épure,
Arriver à la simplification extrême demande de la sérénité.
Prendre son temps pour créer.
Je veux du brut.
Me limiter à l’essentiel.
Cela a-t-il changé votre façon de consommer en tant que consommateur ?
Je ne suis pas un militant pour le tout Bio, ni un activiste, en tout cas pas encore, mais je suis sensibilisé au sujet, et fait au mieux pour ma vie de tout les jours pour être en harmonie avec le monde qui m’entoure…sûrement préoccupé par des valeurs de santés, et le soucis d’un environnement sain. Le bio se démocratise, il se mondialise. Pour lutter contre la pollution et préserver l’environnement, le développement durable est incontournable. Le sujet est vaste et sans fin, il faut le vivre.
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